Depuis des siècles, l'histoire de La Ciotat est intimement liée à l'évolution de son activité maritime.
Le port enclavé dans la baie offre une position stratégique...
Ancien comptoir grec, port de transit au carrefour des voies maritimes de l'Antiquité, la Ciotat s'ouvre progressivement aux influences extérieures.
En 1429, le hameau devenu indépendant de Ceyreste, abrite des familles de pêcheurs et des petits ateliers artisanaux de constructions de voiliers.
Dès le XVIème siècle, calfats, voiliers, charpentiers de marine, cordiers, pouliers font la renommée du chantier de L'Escalet.
Lors de la grande peste de 1720, la Ciotat, non touchée par le fléau, devient l'entrepôt commercial de Marseille.
Mais la révolution de 1789 et les guerres d'Empire mènent le chantier vers son déclin.
Au début du XIXème siècle, les lignes maritimes en Méditerranée sont en plein essor. De nouvelles technologies voient le jour : les coques en bois cèdent la place à l'acier, le charbon à la vapeur, la voile à l'hélice.
Le port marchand de La Ciotat s'oriente progressivement vers la construction navale.
En 1835, la capacité du port est doublée avec la construction de la jetée du Môle Bérouard.
A cette époque, Louis Benet, passionné par les progrès de la navigation à vapeur, ferme sa filature de coton et créé son atelier au chantier de La Cale.
Associé à Joseph Edouard Vence, il lance en 1836 le Phocéen I, premier navire à vapeur de La Méditerranée doté de système de propulsion anglais.
Le Vesuve, suivra équipé de la première coque en acier.
Louis Benet fonde en1839 son propre atelier de construction de machines à vapeur et lance son premier vapeur 100% français (coque et machine), le Phocéen II en 1841.
Succèdent 37 navires jusqu'en 1851 dont le Narval, en 1844, premier bâtiment en fer et à vapeur de la Marine Nationale, le Philippe Auguste en 1845, premier navire en fer à roue destiné au transport des voyageurs en Méditerranée puis le Bonaparte en 1847, 1er bateau vapeur à hélice de La Méditerranée.
Ruiné par la révolution de 1848 et la crise économique, Louis Benet cède son chantier à La Compagnie des Services Maritimes des Messageries Nationales. Cette dernière prend le nom de Messageries Impériales en 1853, pour devenir en 1871 La Compagnie des Messageries Maritimes.
Les Messageries ont pour fonction d'assurer les lignes commerciales et les lignes postales subventionnées par l'Etat.
Armand Behic, président du Conseil d’administration, entreprend un vaste plan de modernisation du chantier en collaboration avec l'ingénieur Dupuis De Lome.
En 1852, le Periclès, 1er navire des Messageries est lancé sous la direction de J.E.Vence.
L'ingénieur Victor Delacour nommé directeur des travaux en 1854, modernise le chantier avec la création d'ateliers et d'une halle de la mécanique et de la chaudronnerie.
Jusqu'en 1864, il est à l'origine d'une vingtaine de navires : Le Danuble en 1855, L'Hermus, La Navarre, L'Impératrice en 1860, Le Säid, Le Cambodge...
Le site s'agrandit de 3 à 11hectares et emploie 3500 ouvriers.
Delacour décide alors la construction de la Cité ouvrière dès 1855, La cité Notre-Dame des Victoires, 24 maisons de 8 logements qui pourront abriter 800 personnes.
La construction du premier bassin de radoub de 1865 à 1869, ouvre de nouvelles perspectives avec les activités de construction et réparation de navires mis à sec d'environ 100m de long. Il sera agrandi à 2 reprises afin d'être adapté à l'évolution des tailles des navires.
A partir de 1871, les Messageries, désormais Maritimes, bénéficient de l'essor des nouvelles lignes commerciales liées à l'expansion coloniale : Algérie en 1854, Mer Noire en 1855 après la guerre de Crimée, Indochine en 1860, Shanghai via le canal de Suez en 1869, Australie en 1882, Amérique du sud..
Face à la concurrence du chemin de fer, la compagnie est contrainte à modifier et réduire sa politique d'expansion.
En 1914, le chantier participe à l'effort de guerre en produisant canons, obus, et pièces d'artillerie. Il assure les réparations des navires endommagés.
La voie ferrée du Batignolles créée en 1887, qui s'arrêtait au niveau du Musée, est prolongée jusqu'au chantier en 1917 pour l'acheminement du matériel de guerre.
Les navires sont réquisitionnés par l'armée pour l'acheminement des troupes (Le Sontay en 1907, L'André Lebon en 1913..).
Le chantier devient la Société Provençale de Constructions navales en 1916.
En 1920, les chantiers s'étendent sur 14 hectares, emploient 2 300 ouvriers pour 11000 habitants.
Entre 1925 et 1935, des paquebots luxueux sont construits en grande série, à deux et trois cheminées (Le Leconte de Lisle en 1922, Le Champollion en 1924, Le Mariette pacha en 1925 ), munis de moteurs à propulsion diesel sulzer 2 temps (L'Eridan II en 1928), à cheminées carrées
( paquebot nautonaphte Le Jean Leborde en 1929, Le Maréchal Joffre en 1931).
Le règne de la vapeur est terminé.
De 1925 à 1937 La SPCA, Société Provençale de Constructions Aéronautiques, Filiale de la SPCN, produit des engins aéronautiques, des hydravions comme Les Météores.
Jean Marie Terrin rachète les chantiers mais l'activité se ralentie à l'annonce de la 2ème guerre mondiale. Le site subit l'occupation allemande à partie de 1942.
A la veille du débarquement des alliés en août 1944, les bombardements allemands endommagent lourdement les ateliers, les navires sont coulés. Seule La Marseillaise, lancée sous le nom de Maréchal Pétain en juin 1944, échappe au sabordage et sera mise en service à La Ciotat en juin 1949 sous son nouveau nom de baptême.
Dès 1948, les nombreux travaux de reconstructions et de déminage commencent.
La production s'oriente désormais vers les pétroliers et transporteur de gaz GPL/GNL méthanier.
les chantiers lancent en 1953, leur premier pétrolier, l'Olympic Splendour et leur premier méthanier, le Butagaz.
C'est le début d'une période faste qui se traduit par la création d'installations importantes de 1959 à 1962 pour répondre à la demande croissante des amateurs :
-Création de La Grande Forme de 360m de long et 60 m de large, équipée d'une grue roulante de 250 t et 2 portiques de 500 t et 650t en 1968.
-Modification de l'entrée du port, création d'une digue artificielle.
De 1974 à 1977, l'agrandissement des infrastructures est réalisé sur la mer avec la plate-forme artificielle Sahara de 9 hectares. L'édifice intègre une digue accessible au public.
La cité ouvrière est démolie pour des besoins d'extension des terrains en 1975. D'autres quartiers voient le jour, Fardeloup, La Treille..
La CNC s'étend sur 34 hectares et compte 6000 ouvriers et 2000 sous-traitants au début de l’année 1976 pour 32000 habitants.
Le plus gros navire construit dans le monde, L'Esso-Westernport, un transporteur de gaz de 100 000 m3 est mise en eau le 16 juillet 1976.
Les chocs pétroliers de 1973 et 1979 fragilisent le secteur de la construction navale et conduisent aux premiers licenciements fin1978.
Face à la crise, les chantiers de La Ciotat sont regroupés avec ceux de Dunkerque et de La Seyne-sur-Mer au sein d'une société unique, la société du Chantier du Nord et de la Méditerranée, la Normed.
En juin 1986, les pouvoirs publics annoncent l'arrêt des subventions contraignant La Normed à déposer son bilan.
En 1987, les deux derniers navires construits à La Ciotat sont lancés. Le Oaxax, le 19 septembre, et du Monterrey, le 19 décembre. Ce dernier sera retenu jusqu'au 14 juillet 1989 par une centaine de salariés, le collectif des 105, qui proteste contre la fermeture du site.
Le 31 juillet 1988, le chantier naval ferme et reste occupé jours et nuits par le collectif qui s'oppose au projet de construction d'une marina et au transfert du matériel.
Des plans de reprises suivront sans succès : La Lexmar, B.Tapie...
Un accord conclu en mars 1995 met fin à l'occupation du site.
Nous tenons particulièrement à remercier les membres de la Maison de la Construction Navale qui nous ont accueillis chaleureusement pour nous aider à la réalisation de cet article.
Cette association, animée par de véritables passionnés, propose des expositions, des vidéos et diaporamas et des visites de chantier pour scolaires ou adultes. Elle propose aussi une collection d'ouvrages pour découvrir en profondeur cette fantastique histoire de la ville de La Ciotat au travers de ses chantiers navals successifs.
Les photos ci-dessus proviennent du site Delcampe.net. (où l'on peut découvrir une collection impressionnante de cartes postales de La Ciotat).
Ci-dessous, 3 ouvrages parmi les nombreux que vous pouvez acheter à la Maison de la Construction Navale.
La suite, Les chantiers de La Ciotat de 1995 à maintenant c'est ici: